Pourquoi greffer sur aubépine ?
Au jardin, tout commence souvent par une envie… et parfois, par un défi un peu fou. Il y a quelques années, en me baladant dans les haies champêtres autour de chez moi, je suis tombée en admiration devant une ligne d’aubépines sauvages. Leur structure solide, leur robustesse face aux intempéries, leur floraison printanière délicatement parfumée… bref, le charme opérait. Et c’est là que m’est venue une idée un peu folle : pourquoi ne pas tenter la greffe de fruitiers sur ces aubépines ?
Si vous l’ignorez, sachez qu’en plus d’être une plante médicinale reconnue, l’aubépine est aussi un excellent porte-greffe pour certains arbres fruitiers. Encore faut-il bien choisir les variétés compatibles… et avoir un peu de patience ! Aujourd’hui, je partage avec vous mes retours d’expérience : réussites, surprises… et quelques apprentissages à la clé.
Ce que j’ai greffé avec succès
La première étape a été d’identifier les essences compatibles. L’aubépine (genre Crataegus) appartient à la grande famille des Rosacées, tout comme de nombreux fruitiers : pommiers, poiriers, néfliers, cognassiers… mais toutes les combinaisons ne fonctionnent pas. Après quelques lectures passionnantes – et quelques discussions avec un pépiniériste local – je me suis lancée.
- Néflier du Japon (Mespilus germanica) : succès total. Le greffon a pris rapidement, a bien poussé dès la première année et a même donné un fruit au bout de deux ans. Magique.
- Poiriers (Pyrus communis) : des résultats mitigés. Une réussite sur deux en greffe en fente. Il faut apparemment veiller à combiner des poiriers anciens, rustiques.
- Poirier “Beurré Hardy” : belle croissance la première année, même si la compatibilité à long terme reste à confirmer.
Les pommiers ? Étrangement, pas de succès avec les deux variétés testées (Reinette et Belle de Boskoop). Pourtant, certaines sources affirment que c’est possible. À retenter avec une autre méthode de greffe ? Je suis preneuse de vos retours !
Quel type de greffe choisir sur aubépine ?
La technique de greffe est un élément-clé de la réussite. Voici celles que j’ai pratiquées, avec leurs avantages – et leurs petits pièges.
- La greffe en fente : ma favorite sur aubépine. C’est simple, efficace, et ça fonctionne très bien en fin d’hiver ou tout début de printemps. Il suffit que les diamètres du porte-greffe et du greffon soient proches.
- La greffe en couronne : testée une seule fois, sur un vieux pied d’aubépine bien établi. Le greffon a pris, mais la reprise a été capricieuse car le cambium peinait à se connecter. Technique plus délicate.
- La greffe à l’écusson : à tester ! Elle se pratique en été. J’ai prévu plusieurs essais l’an prochain pour greffer du cognassier sur un jeune pied d’aubépine bien vigoureux.
Peu importe la méthode, la clé du succès reste l’alignement parfait des cambiums (la couche entre bois et écorce) entre greffon et porte-greffe. Une erreur d’un millimètre peut suffire à compromettre la greffe.
À quel moment greffer ?
J’ai tenté mes greffes principalement en fin d’hiver, vers mi-mars, juste avant que les aubépines ne débourrent. À ce moment-là, la sève commence tout juste à monter dans le porte-greffe, ce qui favorise l’adhésion et la cicatrisation. Pour les greffes à œil dormant ou en écusson, l’été (juillet-août) est la période idéale.
Petite astuce : choisissez une journée douce, sans gel ni pluie, pour greffer. Un peu comme pour le semis au potager, le microclimat du jour J compte !
Ce que j’ai appris en chemin
Cette expérience m’a offert bien plus que des fruitiers originaux dans ma haie. Voilà quelques-uns des enseignements que je tire de ces années d’expérimentation :
- Le porte-greffe influence la taille de l’arbre : sur aubépine, les greffes restent souvent de taille modeste, parfait pour les petits jardins ou les haies fruitières comestibles.
- Attention aux drageons : l’aubépine étant vigoureuse, elle a parfois tendance à produire des rejets au pied, qu’il faut éliminer au printemps pour éviter qu’ils ne vampirisent le greffon.
- Patience et observation : certaines greffes ne poussent pas tout de suite. L’un de mes poiriers n’a réellement démarré qu’au bout de deux ans, après un repos végétatif qui m’a presque fait l’abandonner.
Et surtout : les taux de réussite ne sont jamais de 100 %, mais ça fait partie du charme du jardinage, non ? Chaque échec est l’occasion d’apprendre, et chaque réussite une petite victoire pleine d’émotion.
Quels outils et fournitures utiliser ?
Je reçois souvent cette question dans mes messages : “Avec quoi tu greffes, exactement ?”. Voici mon petit kit de base, que j’ai perfectionné avec le temps :
- Un greffoir bien affûté (ou un couteau type opinel bien désinfecté)
- Du mastic à greffer (en tube, très pratique pour les petites quantités)
- Du lien spécial greffe ou du raphia naturel (veillez à ne pas trop serrer)
- Un sécateur robuste pour préparer les greffons
Côté greffons, je les prélève en janvier sur des arbres sains, vigoureux, âgés de 2 à 4 ans maximum. Je les conserve ensuite au frais dans un sachet humide (dans le bac à légumes du réfrigérateur) jusqu’au moment de greffer. Facile, non ?
Pourquoi greffer sur aubépine peut transformer votre jardin
Greffer sur aubépine, c’est inviter la diversité dans vos haies et votre paysage comestible. Les aubépines sont résistantes, peu exigeantes, et très bien adaptées aux sols pauvres ou secs. En les utilisant comme support pour des fruitiers, vous alliez beauté, résilience et gourmandise.
Imaginez : une haie d’aubépines fleuries au printemps, ponctuée de branches donnant des poires juteuses à l’automne. Ou encore un grand néflier greffé sur un vieux tronc, rustique et décoratif. C’est à la fois fonctionnel et poétique, en parfaite harmonie avec un jardin naturel et durable.
Et après la greffe ? Les soins à apporter
Greffer, c’est bien. Suivre et entretenir, c’est mieux ! Voici quelques habitudes que j’ai prises une fois la greffe réalisée :
- Contrôle régulier : pour vérifier la solidité de la greffe, repérer d’éventuels rejets ou déformations.
- Desserrage du lien : au bout de quelques mois, pensez à ôter ou desserrer le lien de greffe pour éviter l’étranglement du rameau.
- Taille douce : au fur et à mesure de la croissance du greffon, je taille légèrement l’aubépine pour favoriser l’énergie vers la partie fruitière.
Et bien sûr, beaucoup de bienveillance. Comme souvent en jardinage, la nature vous rendra au centuple ce que vous lui offrez.
Mon petit bilan personnel
Greffer sur aubépine a été l’une de mes expériences préférées ces dernières années. J’y ai trouvé un merveilleux terrain d’expérimentation, entre botanique, artisanat et respect du vivant. C’est aussi une belle façon de valoriser des espèces locales, souvent délaissées, et de composer avec ce que le jardin nous offre déjà.
Et vous ? Avez-vous déjà tenté la greffe sur aubépine ? Un poirier, un néflier, un pommier ? J’adorerais avoir vos retours d’expériences, réussites comme ratés – on apprend toujours en partageant.
À vos greffoirs, les amis, et à bientôt dans les haies fruitières de nos jardins !


